Jeudis Philo

Les grands scientifiques d'Alexandrie

Conférence par Brigitte Boudon

 

Un Musée

 

Le Musée d'Alexandrie ou Mousêion ouvre ses portes vers 287, sous le règne de Ptolémée 1er Sôter, et attire tout de suite les meilleurs écrivains et scientifiques du monde grec. Sur le modèle du Lycée aristotélicien, il regroupe une confrérie d'hommes de très grande valeur qui élisent leur grand prêtre voué au culte des Muses.

 

Tous rémunérés par le roi, ils jouissent d'une liberté et d'une absence de soucis matériels qui leur permettent d'être tout entiers concentrés sur leurs recherches. Très vite, il devint nécessaire pour ceux qui prétendaient au titre de vrais scientifiques en Grèce d'aller étudier au Musée d'Alexandrie. L'activité encyclopédique du Musée devient un élément déterminant du développement de la cité.

 

Exactement comme à Pergame, à Antioche, à Syracuse ou à Athènes qui pouvaient également s'enorgueillir d'une activité intellectuelle intense. Mais peut-être mieux qu'ailleurs grâce à l'extraordinaire diversité des talents réunis.

 

Une Bibliothèque

Cette exceptionnelle renommée s'est construite aussi parce que le Musée comporte une aile dont le souvenir a triomphé des siècles : la Bibliothèque.

 

Fondée en 288 à l'initiative de son premier directeur, Démétrios de Phalère, qui a longtemps présidé aux destinées d'Athènes, avant d'être accueilli par Ptolémée Philadelphe, le successeur de Ptolémée Sôter, les papyrus commencent à s'accumuler dans ce lieu protégé.

 

Callimaque, Apollonios de Rhodes, Eratosthène et tous ceux qui succédèrent à Démétrios à la tête de l'institution perpétuent cette volonté de collectionner, et d'étudier ce qui représente tout le savoir écrit de la planète.

 

Combien y avait-il de volumes dans la Bibliothèque ? 200 000 à la fin du règne du Philadelphe mais peut-être 400 000, 500 000 ou 700 000 à l'époque de César où une annexe fut même installée dans le grand Sérapéum.

 

Les estimations des historiens varient faute de sources concordantes. Mais ce qui est sûr en revanche, c'est que les Ptolémée déploient des efforts immenses pour rassembler tous les écrits disponibles.

 

Le successeur du Philadelphe, Ptolémée III Evergète, faisait même confisquer tous les livres des voyageurs qui s'aventuraient dans sa capitale pour les faire recopier. Mais il gardait toujours l'original ! et les bateaux repartaient avec de très belles copies !

 

La Bibliothèque connut une seconde jeunesse grâce au don de 200 000 volumes de la bibliothèque de Pergame qu'Antoine fit à Cléopâtre.

 

Les dernières personnalités de la Bibliothèque d'Alexandrie furent le mathématicien Théon et sa fille Hypatie, grande mathématicienne et philosophe néo-platonicienne.

 

Plusieurs incendies : à l'époque de César (dans sa guerre contre Pompée), puis en 642 lors de la conquête arabe.

Aujourd'hui, grâce à l'UNESCO, son héritière contemporaine peut de nouveau penser à accumuler les savoirs universels.

 

Cette passion pour les sources écrites conduit les Ptolémée à encourager la traduction en grec des grands textes de tous les peuples qui vivaient et prospéraient à Alexandrie. Ainsi furent traduits des livres zoroastriens, romains ou égyptiens.

 

Et, l'une de ces traductions, la plus célèbre, est celle de la Torah juive, la Septante, puisqu'elle fit connaitre la Bible au monde entier.

 

Nous allons évoquer quelques-uns parmi ces grands talents scientifiques d'Alexandrie, ou dont les noms sont associés à Alexandrie.

 

I - EUCLIDE : vers 325 - 265 avant J.C.

Immense mathématicien, il rédige les Eléments, premier grand traité de géométrie.

Il donne ses leçons sur la plage avec un bâton droit et long, avec lequel il trace des figures sur le sable. C'est le fameux bâton d'Euclide que se transmettront ensuite les directeurs de la Bibliothèque. On accourt de partout pour suivre ses cours.

 

Anecdote célèbre avec le roi Ptolémée : "je n'ai pas compris le livre V, n'y a-t-il pas un chemin plus court pour définir la notion de rapport ?" Euclide lui répond : "Il n'est pas dans les sciences de voie directe réservée aux rois."

 

Les Eléments d'Euclide sont considérés comme l'un des textes fondateurs des mathématiques en Occident. C'est un des plus anciens traités connus présentant les mathématiques de manière systématique, avec des démonstrations, des théorèmes… Il a connu des centaines d’éditions en toutes langues et ses thèmes restent à la base de l’enseignement des mathématiques au niveau secondaire dans de nombreux pays. Du nom d’Euclide, dérive en particulier la géométrie euclidienne.


Il n’existe aucune source directe sur la vie d’Euclide : nous ne disposons d’aucune lettre, d’aucune indication autobiographique, d'aucun document officiel. L’écrit le plus ancien connu concernant sa vie apparaît dans un résumé sur l’histoire de la géométrie écrit au Vème siècle de notre ère par le philosophe néo-platonicien Proclus, commentateur du premier livre des Éléments.

Proclus ne donne lui-même aucune source pour ses indications. Il dit seulement que « en rassemblant ses Éléments, [Euclide] en a coordonnés beaucoup […] et a évoqué dans d’irréfutables démonstrations ceux que ses prédécesseurs avaient montrés d’une manière relâchée.

Si on admet la chronologie donnée par Proclus, Euclide, vivant entre Platon et Archimède et contemporain de Ptolémée 1er, a donc vécu vers 300 avant notre ère, ce qui est reconnu aujourd'hui par les historiens des mathématiques.

Par ailleurs, on sait que des élèves d’Euclide auraient enseigné à Alexandrie. Certains auteurs ont sur cette base associé Euclide au Mousêion d'Alexandrie, mais, là encore, il ne figure sur aucun document officiel.

Les Éléments

Les Éléments de mathématiques, en treize livres, constitue l’ouvrage le plus célèbre d’Euclide et un best-seller de l’édition scientifique. De nombreuses versions manuscrites du texte existent dans les bibliothèques du monde entier.

Un des aspects les plus célèbres de l’ouvrage est sa forme déductive et son organisation systématique et progressive.

L’auteur énonce d’abord des définitions, comme celle d’une ligne au livre I (« une longueur sans largeur »), d'une droite, comme la ligne de plus court chemin joignant deux points sur une surface, d’un nombre premier au livre VII (« un nombre mesuré par une seule unité ») ; des propositions (par exemple, « si des choses égales sont retranchées de choses égales, les restes sont égaux ») ; des postulats, comme la possibilité de construire une ligne droite passant par deux points donnés.

Il démontre ensuite de nouvelles propriétés à partir de ce qui est déjà connu. Toutes les constructions reposent ainsi sur celles de droites ou de cercles, une contrainte connue plus tard sous le nom de "constructions à la règle et au compas".

Les six premiers livres sont consacrés à la géométrie plane. Le premier traite en particulier des triangles et des droites parallèles, et inclut une preuve du théorème de Pythagore ; le deuxième de la construction de figures planes de forme donnée, des carrés par exemple, et de surface égale à celle d’une figure rectiligne donnée ; le troisième des propriétés du cercle ;  le quatrième de l’inscription de figures dans un cercle, ou de cercles dans des figures rectilignes, par exemple de la construction de pentagones réguliers inscrit dans ou circonscrit à un cercle donné ; le cinquième de la théorie des rapports et des proportions entre grandeurs, théorie qui est appliquée à la géométrie dans le sixième livre.

Les trois livres suivants, aussi appelés « Livres arithmétiques », traitent des nombres premiers, de la construction du plus grand diviseur entier commun à deux ou plusieurs entiers, des nombres en progression géométrique.

Le livre X définit et classifie les quantités irrationnelles, qui ne peuvent pas s'écrire sous forme de fractions, comme par exemple, les racines carrées.

Les trois derniers livres traitent de la géométrie dans l’espace, culminant avec la construction, dans une sphère, des cinq solides réguliers, dits platoniciens : tétraèdre, cube, octaèdre, dodécaèdre, icosaèdre.

La géométrie telle qu'elle est définie par Euclide dans ce texte fut considérée pendant des siècles comme la géométrie, et comme une représentation adéquate du monde physique. Les Eléments apparaissent comme le modèle du raisonnement logico-déductif.

Or, parmi les postulats du livre I, figure celui connu sous le nom de "postulat d'Euclide" que l'on exprime de nos jours sous la forme : « par un point pris hors d'une droite il passe une et une seule parallèle à cette droite ».

L’étude de ce postulat a conduit au 19 ème siècle au développement de géométries non-euclidiennes, c’est-à-dire alternatives à celle d’Euclide, qui n’admettant pas ce postulat, et plus généralement au renouvellement de la notion même de géométrie et de ses liens avec la représentation du monde réel. C'est le mathématicien Gauss qui en 1813 conteste le postulat d'Euclide.

 

II - ARCHIMEDE  : 287 - 212 avant J.C.

Archimède est né et mort à Syracuse, en Sicile, très connu à Alexandrie. Grand physicien, mathématicien et ingénieur. Peu de détails de sa vie soient connus, mais de nombreuses anecdotes ont été créées sur lui et certains épisodes de sa vie.

Parmi ses domaines d'étude en physique, on peut citer l'hydrostatique, la mécanique statique et l'explication du principe du levier. On lui attribue la conception de plusieurs outils innovants, comme la vis qui porte son nom.

Son père, astronome, aurait commencé son instruction, mais il termine ses études à Alexandrie. Du moins, on est sûr qu’il en connaissait des professeurs de l'Ecole d'Alexandrie, puisqu’on a retrouvé des lettres échangées avec eux. .

Il entre au service du roi de Syracuse, en qualité d’ingénieur et participe à la défense de la ville lors de la seconde Guerre Punique. Il meurt en 212 av. J.-C. lors de la prise de la ville par les Romains.

Syracuse tombe aux mains des Romains. Le général Marcellus souhaitait néanmoins épargner le savant. Malheureusement, un soldat romain croise Archimède alors que celui-ci trace des figures géométriques sur le sol, non conscient de la prise de la ville par l’ennemi. Troublé dans sa concentration par le soldat, Archimède lui aurait lancé « Ne dérange pas mes cercles ! ». Le soldat, vexé de ne pas voir obtempérer le vieillard, l’aurait alors tué d’un coup d’épée. En hommage à son génie, Marcellus lui fit de grandes funérailles et fit dresser un tombeau décoré de sculptures représentant les travaux du disparu.

Contrairement à ses inventions, les écrits mathématiques d'Archimède sont peu connus dans l'Antiquité. Les mathématiciens d'Alexandrie l'ont lu et cité, mais la première compilation n'a été faite qu'en 530 après JC par Isidore de Milet, tandis que les commentaires de l'œuvre d'Archimède écrits durant le Vième siècle ont ouvert l'œuvre d'Archimède à un plus large public, et ce pour la première fois.

Le nombre relativement restreint de copies du travail écrit d'Archimède qui ont survécu a été une puissante source d'inspiration pour les scientifiques au cours de la Renaissance (Léonard de Vinci) , alors que la découverte en 1906 de travaux d'Archimède jusque-là inconnus dans le palimpseste d'Archimède a fourni de nouvelles idées à propos de la façon dont il a obtenu des résultats mathématiques. Ce palimpseste avait été transformé en livre de prières. Il fut de nouveau perdu, puis retrouvé en 1996 !

Les informations le concernant proviennent principalement de Polybe (202 av. J.-C. — 126 av. J.-C.), Plutarque (46 - 125), Tite-Live (59 avant J.-C. – 17 après J.-C.) ou bien encore pour le cas de l’anecdote de la baignoire, de Vitruve, un célèbre architecte romain. Ces écrits sont donc, sauf pour Polybe, très postérieurs à la vie d’Archimède.

Apports en géométrie

Archimède s’est intéressé à la numération et à l’infini, affirmant ainsi par exemple que contrairement à l'opinion courante, les grains de sable n'étaient pas en nombre infini, mais qu’il était possible de les dénombrer. La majeure partie de ses travaux concernent la géométrie :

  • l’étude du cercle où il détermine une méthode d’approximation de Pi à l’aide de polygones réguliers et propose les fractions suivantes comme approximations : 22/7, 223/71, et 355/113.
  • l’étude des coniques en particulier la parabole, dont il présente deux calculs d'aires très originaux.
  • l’étude des surfaces et des volumes qui font de lui un précurseur dans le calcul qui ne s’appelle pas encore intégral. Il a travaillé en particulier sur le volume de la sphère et du cylindre et a demandé à ce que ces figures soient gravées sur sa tombe. Dans son traité De la sphère et du cylindre, il avait démontré que le rapport des volumes d’une sphère et d’un cylindre qui circonscrit cette sphère est de 2/3.

Apports en mécanique

Archimède est considéré comme le père de la mécanique statique. Dans son traité, De l'équilibre des figures planes, il s'intéresse au principe du levier et à la recherche du centre de gravité.

On lui attribue aussi le principe d'Archimède sur les corps plongés dans un liquide (Des corps flottants). C'est le fameux Eurêka !

À l'instar de tous les grands savants, la mémoire collective a associé une phrase, une légende transformant le découvreur en héros mythique, comme Newton avec la pomme, ou Einstein, avec la formule E = mc².

Pour Archimède, ce sera le mot Eurêka ! ( signifiant « J'ai trouvé ! ») prononcé en courant nu à travers les rues de la ville.

Selon Vitruve,  Archimède venait de trouver la solution à un problème posé par le tyran de Syracuse. En effet, Hiéron avait fourni à un orfèvre une certaine quantité d'or à façonner en une couronne. Afin d'être sûr que l'orfèvre ne l'avait pas dupé en substituant de l'argent à une partie de l'or, Hiéron demanda à Archimède de déterminer si cette couronne était effectivement constituée d'or uniquement, et sinon, d'identifier sa composition exacte. C'est dans sa baignoire, alors qu'il cherchait depuis longtemps, qu'Archimède trouva la solution et sortit de chez lui en prononçant la célèbre phrase. Il lui suffisait de mesurer le volume de la couronne par immersion dans l'eau puis la peser afin de comparer sa masse volumique à celle de l'or massif.

L'anecdote ne figure pas dans les écrits d'Archimède. En outre, la méthode utilisée (calcul de la masse volumique de la couronne) est assez triviale et n'a pas de rapport avec la poussée d'Archimède, dont la conception est beaucoup plus évoluée. Il est probable que Vitruve ait eu connaissance d'une découverte d'Archimède relative aux corps plongés dans l'eau, sans savoir précisément laquelle.

 

Il travailla également sur l'optique (La catoptrique).

Il met en pratique ses connaissances théoriques dans un grand nombre d'inventions. On lui doit, par exemple,

  • des machines de traction où il démontre qu'à l'aide de poulies, de palans et de leviers, l'homme peut soulever bien plus que son poids
  • des machines de guerre (principe de la meurtrière, des catapultes, utilisés dans le combat naval).
  • La vis sans fin et la vis d'Archimède. On lui attribue aussi l'invention de de l'écrou.
  • le principe de la roue dentée grâce auquel il construit un planétaire représentant l'Univers connu à l'époque.

Le siège de Syracuse et les miroirs d'Archimède

Lors du siège de Syracuse,  alors colonie grecque, par la flotte romaine, la légende veut qu'il ait mis au point des miroirs géants pour réfléchir et concentrer les rayons du soleil dans les voiles des navires romains et ainsi les enflammer. Cela semble scientifiquement peu probable car des miroirs suffisamment grands étaient techniquement inconcevables, le miroir argentique n'existant pas encore. Seuls des miroirs en bronze poli pouvaient être utilisés.

Les nombreuses difficultés rencontrées lors des expériences contemporaines montrent selon toute vraisemblance que la légende des miroirs d’Archimède est irréaliste.

 

III - PTOLEMEE : vers 90-168

 

Claude Ptolémée, communément appelé Ptolémée, est un grand astronome et astrologue grec, un des précurseurs de la géographie, qui vécut à Alexandrie. Son schéma astronomique servira de référence pendant de nombreux siècles. Il décrit aussi l'astrolabe, inventé probablement par un autre scientifique génial, Hipparque (190 - 120 avant J.-C.). L'astrolabe est l'instrument qui permet de représenter le mouvement des astres sur la voûte céleste.

Ptolémée est l’auteur de plusieurs traités scientifiques, dont deux ont exercé par la suite une très grande influence sur les sciences occidentales et orientales. L’un est le traité d’astronomie, qui est aujourd’hui connu sous le nom d'Almageste, nom arabisé, dont le titre original en grec était Composition mathématique. L’autre est la Géographie, qui est une discussion approfondie sur les connaissances géographiques du monde gréco-romain.

L’œuvre de Ptolémée est un sommet et l’aboutissement à son époque d’une longue évolution de la science antique fondée sur l'observation des astres, les nombres, le calcul et la mesure. Avec l’œuvre d’Aristote, c’est essentiellement à travers elle, transmise à la fois par les Arabes et les Byzantins, que l’Occident redécouvre la science grecque au Moyen Âge, puis à la Renaissance.

 

Astronomie

L’Almageste est le seul ouvrage antique complet sur l’astronomie qui nous soit parvenu.

Les astronomes babyloniens avaient mis au point des techniques de calcul pour la prévision de phénomènes astronomiques. Surtout, ils avaient consigné soigneusement, pendant des siècles, de précieuses observations (positions des astres, éclipses…)

 

Les astronomes grecs, tels qu'Eudoxe de Cnide et surtout Hipparque, avaient intégré ces observations et les leurs dans des modèles géométriques (théorie des épicycles) pour calculer les mouvements de certains corps célestes.

 

Dans son traité, Ptolémée reprend ces différents modèles astronomiques et les perfectionne.

 

Ses « tables » de données, indispensables pour déterminer la position des astres, ont en effet comme point de départ le premier jour du calendrier égyptien de 747 av. J.C.  Ptolémée consacre donc le modèle géocentrique d’Hipparque, qui lui fut souvent attribué et qui fut accepté pendant plus de mille trois cents ans, quoique de manière discontinue. Selon ce modèle, la Terre est immobile, au centre de l'univers. Les autres planètes (dont le Soleil et la Lune) ont des mouvements circulaires.

 

Ptolémée réalise aussi une sorte de manuel essentiellement pratique, appelé « Les tables faciles » ou parfois « Les tables manuelles », dérivé de l’Almageste et destinées à réaliser des calculs de position des astres et d’éclipses.

Ptolémée dit que « les astres nagent dans un fluide parfait qui n’oppose aucune résistance à leurs mouvements. On ignore si cette vision, proche de la notion de vide, était déjà présente chez Hipparque ou si elle doit être mise au crédit de Ptolémée.

Durant les treize siècles qui suivirent, l’astronomie ne progresse plus guère. L’Almageste et les tables faciles ne reçurent que des corrections mineures, bien qu’elles aient fait l’objet, à la fin de l’Antiquité, de nombreuses publications de la part des « commentateurs", dont le plus connu est Théon D'Alexandrie.

Ce sont donc les tables et les textes de Ptolémée qui sont utilisés directement ou indirectement comme références jusqu’à ce que les progrès des instruments d’observation et la théorie élaborée par Nicolas Copernic (1473-1543) et perfectionnée par Johannes Kepler (1571-1630) n’entraînent son abandon.

Mais ce fut à grand peine : le système héliocentrique de Copernic, appuyé par Galilée (1630) fut rejeté par l’Église catholique et Galilée se vit contraint de renier officiellement ses théories en 1633. Le modèle de Ptolémée ne fut définitivement abandonné par l'Église que sous le pape Benoît XIV vers 1750.

Géographie

 

Sa Géographie est une autre œuvre majeure. Il s’agit d’une compilation des connaissances de la géographie du monde à l’époque de l'Empire romain sous le règne d'Hadrien.

Comme pour le modèle du système solaire dans l’Almageste, Ptolémée unifie dans un grand ensemble toutes les informations dont il dispose. Il attribua des coordonnées à tous les lieux et particularités géographiques qu’il connaît, dans une grille qui couvre le globe.

Il utilise les notions de latitude et de longitude.

Ptolémée imagine aussi des méthodes pour dessiner des cartes, à la fois de tout le monde habité (écoumène) et des provinces romaines. Dans la deuxième partie de la Géographie, il fournissait les listes topographiques nécessaires, et des légendes aux cartes.

Son écoumène couvrait 180 degrés de longitude des "îles des Bienheureux" (dans l'océan Atlantique jusqu’à la Chine, et environ 80 degrés de latitude de l'Arctique aux Indes et loin en Afrique. Ptolémée était bien conscient que ses connaissances ne couvraient qu’un quart du globe.

 

Malheureusement, les plus vieilles cartes des manuscrits de la Géographie de Ptolémée ne datent que de 1300 environ, après la redécouverte du texte par le Byzantin Maximus Planudes.

Des cartes fondées sur des critères scientifiques ont été réalisées depuis l’époque d'Eratosthène, mais Ptolémée améliore les techniques de projection cartographique.

Le premier exemplaire de la Géographie de Ptolémée fut édité avec les cartes en 1477.

Cet ouvrage fut jusqu’au XVIème siècle le guide de tous les voyageurs qui, à chaque découverte, croyaient reconnaître quelque contrée déjà indiquée par celui-ci.

Astrologie

Le traité de Ptolémée sur l’astrologie, le Tetrabiblos (tetra signifie en grec « quatre » et biblos « livre »), était l’ouvrage astrologique le plus célèbre de l’antiquité mais qui n’atteignait pas le statut de l’Almageste. Il exerça une grande influence dans l’étude des corps célestes dans la sphère sublunaire. Ainsi, il fournissait des explications des effets astrologiques des planètes, en fonction de leurs effets : chauffant, rafraîchissant, mouillant, et séchant. Celui-ci traite en particulier de l’astrologie horoscopique en quatre livres qui consiste en une interprétation thématique à l’aide d’une carte basée sur un tableau déterminant l’emplacement des sept planètes (Soleil compris) connues de l’époque à un moment donné.

Il convient de remarquer qu'il n'y a, chez Ptolémée, aucune confusion entre astronomie et astrologie : tout ce qui concerne cette dernière discipline est contenu dans le Tetrabiblos, pas une ligne à ce sujet dans l'Almageste.

 

Musique

Ptolémée a également écrit les Harmoniques, un traité de musicologie de référence sur la théorie et les principes mathématiques de la musique. Après une critique des approches de ses prédécesseurs, Ptolémée y plaide pour baser des intervalles musicaux sur des proportions mathématiques soutenus par observation empirique. Il a présenté ses propres divisions du tétracorde et de l'octave, qu’il a dérivés avec l’aide d’un monocorde. L’intérêt de Ptolémée pour l’astronomie apparaît également dans une discussion sur la musique des sphères, d'inspiration pythagoricienne.

Les Harmoniques contribua très largement au développement de la théorie musicale au 16ème siècle.

 

IV - THEON (335-405) ET HYPATIE (370-415)

 

Théon, mathématicien et érudit, père d'Hypatie, est le dernier Directeur de la Bibliothèque d'Alexandrie jusqu'en 380 ap. J.-C. Il fit un large commentaire de l'Almageste de Ptolémée, des Éléments et de l'Optique et Catoptrique d'Euclide. Ses tables astronomiques eurent beaucoup d'influence et furent connues par les astronomes arabes. Elles sont la preuve que les savants alexandrins utilisaient le système sexagésimal, d'origine babylonienne.

 

Hypatie, philosophe néoplatonicienne et grande figure d'Alexandrie. Elle évolue dans le contexte d’une rivalité grandissante entre la philosophie et la théologie païenne d’une part et le christianisme naissant d’autre part. Elle est restée dans les mémoires comme un triste exemple des méfaits de l’intolérance religieuse.

 

Fille de Théon, elle enseigne les systèmes philosophiques de Plotin, Platon et de nombreux philosophes. Elle professait dans la rue, attirant de larges auditoires populaires et exerça une influence certaine sur la vie politique égyptienne. Admirée par le préfet de la ville Oreste, elle est massacrée en 415 en pleine rue par des chrétiens fanatisés par l’évêque Cyrille.

Ses recherches scientifiques ont porté sur les Coniques, l'astronomie et les mathématiques.

Son disciple, Synésios de Cyrène, fut un évêque réputé.